1- Paillettes et Prosecco
J’avance avec peine dans mes escarpins vernis , impressionnée par le vestibule de l’abbaye transformée en hôtel- restaurant. J’aperçois dans un coin un fauteuil majestueux tout en argent et paillettes, et je me dis que j’aimerais bien m’y asseoir pour faire un selfie ridicule et l’envoyer à ma comparse, mais je suis tellement sous pression (dans mes chaussures) et certaine du mauvais effet de ma plaisanterie que je renonce et m’avance au bras de mon époux , droite et concentrée pour ne pas glisser sur le marbre . Nous arrivons au vestiaire, et là un valet nous prend nos manteaux . Le chemin est long pour parvenir à ce qui fut le chœur de l’église où se déroule le cocktail. Je préfère de loin visiter les abbayes en tennis, à surveiller les enfants pour qu’ils ne courent pas… Là, j’ai l’impression que le couloir est interminable et je me demande bien ce qui m’attend au bout.
Je ne suis pas déçue du voyage! À la porte, deux serveuses encadrent l’entrée , tenant à bout de bras de grands plateaux ronds et nous invitant à nous servir un cocktail (de Prosecco, il va sans dire). Je me sers et tandis que je commence à rire en mon for intérieur tant j’appréhende la mondanité du moment, je vois passer deux robes de cocktail en satin vert et rose. Oh mon dieu je suis dans un remake d’Amour Gloire et Beauté !
J’ose à peine pénétrer les lieux , et je fonds dans ma robe noire (j’ai choisi de passer inaperçue) quand je me retrouve face au patron et aux collègues de mon chéri, costume trois pièces, cravates et noeuds papillon. Oh mon dieu je suis « femme de »! J’ai le sentiment que je suis ridicule, trop grande (à la réflexion c’est plutôt cette idée qui était ridicule!), empotée ! Et il faut saluer tout le monde, dire quelques phrases , parler, parler de quoi? Des lieux ? Du cocktail ? Je ne sais pas, je panique , mais qu’est-ce que je fais là ?
Le cocktail prend vite fin, heureusement nous n’étions pas arrivés trop tôt , et nous voilà partis pour rejoindre la salle du dîner .
Comme à un mariage, nous sommes placés, les tables sont décorées avec faste dans une immense salle abbatiale. Je vois les seules têtes connues s’installer loin de moi: la soirée va être longue !
2 – Repas de cantine my Dear !
Pire qu’un mariage. Pire que le pire des mariages.
Je suis là, nerveuse : la table est ronde, le DJ minable, le bruit assourdissant… et je suis à côté du seul type qui ne décroche pas un mot. Son voisin de gauche essaie bien de le faire parler. Rien à faire, je suis assise à côté d’une tombe. C’est bien ma veine!
Alors il faut sourire. Alors je souris. Je souris…je souris… j’en ai les gencives crispées. Je n’ai rien à dire, de toutes façons, personne à qui parler. Me restent mes yeux pour voir. Et ce que je vois me dépayse !
Je commence à en avoir assez, mais qu’est ce que je suis venue faire là ? J’ai une envie irrépressible de faire la tête,mais je ne peux pas.
Le repas est servi par une escadrille de serveurs mal aimables. Il faut dire que le maître d’hôtel est tout sauf sympathique….
Et le calvaire du dîner continue: accueillir des plats de cantine scolaire comme s’il s’agissait de mets luxueux. Ne vexons personne.
Faut-il boire ? Si je bois, je pourrais me détendre… mais si je me détends, je ne me tiendrai plus!
Après quelques hésitations , et pour faire passer le goût de la rillette de saumon, je me sers un verre de blanc. Erreur ! Je manque de m’étrangler tant le goût de ce vin de table me soulève le coeur. « Souris! »dit le mari. Un brin macho le mari ? … Je le devine sous pression lui aussi.
Mal à l’aise, je tortille entre mes doigts le carton où mon choix de menu est inscrit, et me voilà vertement reprise par le majordome de troisième classe. Le salaud, il me punit ! Je ne suis pas servie ! Et toute la tablée attend poliment que je le sois pour manger. Les minutes sont des heures. Alors, qu’est-ce que je fais ? Eh bien je souris! Mais je ne me lève pas. Une vraie empotée ! La femme assise en face de moi prend pitié et va voir le chef de salle. Merci. Je souris. Elle sourit aussi.
Je suis enfin servie. Ce n’est pas bon, inutile de préciser. Le dessert aussi est raté : je préférais de loin les pâtisseries du jeudi de ma cantine de collège.
Vient le moment du café : c’est l’heure de l’entrée en scène du DJ. Mais c’est qu’il est aussi chanteur, le bougre ! À la réflexion, je préfère encore être à ma place qu’à la sienne.
Je communique mon dépit à ma comparse comme une cancre, le téléphone sous la table. Grillée ! Par la même femme assise en face de moi. Cette fois-ci, elle se marre. Les masques tombent, je me détends enfin.
Mais j’aimerais bien m’enfuir tout de même !
3 – God save the beer !
La fête bat son plein. Dans la salle, les femmes tout en paillettes se déhanchent sur la piste . Nous arrivons (péniblement, je vous rappelle que j’ai maaaaaal aux pieds) au bar. Et là, surprise, on retrouve presque tout le monde ! Le chef et sa femme discutent dans leur coin, les gentils collègues nous accueillent chaleureusement. Le ton est donné: une dizaine de shoots de tequila sont alignés sur le bar, servez-vous ! Que voulez-vous comme cocktail ? C’est aux frais de la boîte !!
Alors tout le monde boit, et on se détend. Je regarde les chaussures de ces dames: certaines ont des sandales bien confortables. Si j’avais su ! J’aurais regardé les pieds pour me sentir moins stressée !
A ce moment je comprends que pour tout le monde le côté guindé était plutôt pesant, et que tout le monde attendait de pouvoir se retrouver comme au pub. Je lève la tête : on trinque sous les photos de grand Georges et petit Georges. God save the beer !
Les gens enfin nous parlent et m’encouragent à parler. La conversation est mondaine, mais les Anglais savent tellement faire la conversation ! Je me laisse porter et me lance dans une discussion intelligente et riche avec un jeune collègue de mon cher et tendre. Je passe ENFIN une bonne soirée !
Nous trinquons sans alcool: nous ne sommes pas venus en taxi . Là j’apprends que si les Anglais ont la réputation de boire beaucoup, on oublie de dire qu’ils le font de façon responsable . Tous sont venus en taxi et rentreront en taxi tard dans la nuit !
Nous les laissons à leurs nombreux verres , et nous piétinons jusqu’à la voiture .
Le lundi j’apprends que le collègue à qui j’ai parlé a trouvé en Noomi Rapace mon sosie.
Décidément , je n’aurai plus peur des coutumes des Anglais: ils sont vraiment charmants!
Ah oui!
Noomi Rapace!
Mais tu es magnifique, et en escarpins s’il vous plaît, madame!
Ton récit m’a bien fait rire, on imagine bien le malaise avec les chaussures, le lieu, les gens pour partie tous inconnus…Et le dénouement fait du bien, vive la bière, vive les anglais!
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Oui en fait j’apprends avec le temps qu’ici, inutile de se mettre la pression, les Anglais n’ont pas la réputation d’être flegmatiques pour rien !
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J vais l impression d y être à cette soirée en te lisant !!
Et tu sais quoi ? J en avais presque mal aux pieds moi aussi loool
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Ahah merci ! J’ai déjà décidé d’opter pour des bottines l’an prochain ! 😆
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