Le bruit des gosses

Si petits et pourtant si bruyants…

J’ai dû faire une erreur à la conception… ou trop de bruit…

Dites-moi, scientifiques de haut vol, spécialistes des mystères du moindre petit atome : comment un tel volume sonore peut-il émaner d’une si petite bouche ? Comment leur petite voix aiguë peut-elle griffer jusqu’au sang mes tympans, exploser mon oreille interne, donner des spasmes à mon cerveau ? Quelle explication rationnelle pouvez-vous apporter à ce cataclysme auditif qui a lieu chaque fois qu’ils tombent, se lèvent, se couchent, se mouchent, se lavent, mangent, boivent, respirent ?

Je n’avais pas saisi, petite, la douce expression « sage comme une image ». Je n’avais pas perçu le fantasme vicieux des adultes qui se cachait derrière ces quelques mots innocents : qu’ils SE TAISENT, qu’ils ne bougent plus, qu’ils ravissent nos yeux mais soulagent nos tympans, qu’ils nous laissent redécouvrir le silence, le bruit de notre respiration calme, le flot de nos pensées. Qu’ils nous laissent tranquilles, vivants, et qu’ils lèvent le camp qu’ils ont montés dans notre espace vital.

Une guerre du bruit a éclaté chez moi.

Je m’assois pour lire mais ne comprends pas un traitre mot de ce que je lis : mes fils sont à côté de moi à ratisser le parquet de leurs petites voitures métalliques. Le vacarme des dizaines de roues lancées ensemble ne couvre pas les imitations improbables du bruissement de leurs pneus. Comme si le tintamarre de leur mécanique ne suffisait pas, ces petites voitures parlent ! D’une voix stridente elles se disputent, craquent et geignent quand elles dérapent, hurlent quand elles se croisent, tombent une à une avec fracas sur le sol qui résonne.

L’accident qui sert de motif au jeu de mes garçons éclate et se répète sans trêve en un tapage scandaleux qui transforme mon salon en caisse de résonance. Ma tête est un tambour, chaque son de chaque enfant -j’ai l’impression qu’ils sont mille !- vient cogner mon cerveau, tape et tape sans pause comme un solo de batterie. Une dispute démarre et c’est une alarme incendie qui retentit dans mon esprit. Je n’entends plus rien, je souffre.

Je voudrais m’échapper, courir dans un grand magasin vidé de ses clients et profiter de soldes VIP rien que pour moi , je voudrais m’endormir sur un matelas chauffant au spa tandis qu’un Apollon-masseur au sourire bienveillant et au torse nu et musclé me masserait les pieds. Mais je suis coincée chez moi, otage de mes deux tyrans qui en sont venus aux mains tandis que je rêvais.

Je respire profondément, prends ma voix de ténor pour faire cesser les criailleries. En vain. Mon bruit est du silence pour ces deux enceintes vivantes.

Je mets de la musique : ils se taisent dix secondes. Puis ils chantent. Et vont chercher leurs harmonicas.

Je renonce, vaincue. Je branche l’aspirateur et approche la brosse vrombissante des petites voitures qui traînent sur le sol. Les enfants crient, sauvent à toute allure leurs jouets que l’aspirateur, depuis qu’ils sont nés, menace d’avaler, prennent leurs cliques et leurs claques et débarrassent le plancher.

Je sais bien, je n’ai pas gagné la guerre, ce n’était qu’une bataille. Mais si je ne peux crier plus fort qu’eux victoire, au moins le ménage sera fait.

11 réflexions au sujet de « Le bruit des gosses »

  1. Aha ici 3 filles, ressenti 15! Et les filles ont une voix bien aigue… J’avoue que la migraine m’habite depuis mon retour seule en voiture avec elles (15h de route et elles avaient decide – mais pourquoi, malgre mes suplications??- de ne pas regarder de film!!!). Mais vite que ces vacances se terminent pour que l’on puissent enfin faire retentir le silence !

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  2. Je suis allée rencontrer la nounou cette semaine. Les 3 siens plus les 3 miens plus la télé, j étais saoulée au bout de 10 mins. Son petit dernier s est mis à chouiner pendant qu une des miens faisait du bruit avec un jouet. J étais au bout de ma vie, la nounou est restée impassible. Je me suis dit que c était tout ce qui faisait la différence entre être une maman normale et avoir des supers pouvoirs de nounou.

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  3. Ah ah mais que ce billet me fait sourire (voire même, rire toute seule). Je compatis, et pourtant je n’en ai qu’un. Mais un, qui en vaut deux ou trois. Quand tu dis que quand tu leur mets de la musique, ils se mettent à chanter puis vont chercher leur harmonica… ^-^ mais c’est exactement ça. Ou le xylophone. Ou le triangle. Ou la boite en métal pleine de riz. Ou le tambourin…
    °_°
    Allez, courage.

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