Travailler à l’école n’est pas apprendre

Il y a peu d’endroits où on peut crier son désarroi. Il y a peu d’endroits où une maman peut pleurer fort, crier fort, douter fort. Ailleurs la mère est forte, et par tous temps. Ailleurs la mère se tait, console, fait face aux vents – les meilleures mères cheveux lissés , les mères normales toutes décoiffées.

Il y a alors tous ces blogs de mamans, cet espace réconfortant qui n’existe que pour celles qui veulent y aller, ce lieu d’accueil des émotions de ces parents désemparés.

Pourquoi tu blogues ? Parce que je ne peux pas tout dire. Parce que je dois me taire, de peur d’être jugée, de peur de ne plus rassurer ceux que je dois soutenir. Ici j’ai mes failles.

L’enfance ne devrait jamais rimer avec souffrance. L’enfant ne devrait pas connaître la pression, le devoir de réussite, le stress du retard, l’angoisse de la sanction. Il ne devrait pas aller travailler à l’école. Il devrait y apprendre, s’épanouir : grandir.

Il se lève. Trempé. Il est grand maintenant, il a compris. Il prend une douche chaude pour se réconforter, frotte bien les bras, les jambes, frictionne son corps avec son gant et parfume la salle de bains d’une envoûtante odeur d’amande. L’eau chaude coule à flots, trop. Il ne sait pas gérer la pression, il fait de son mieux.

Il sort, son petit corps d’enfant nu est mouillé; la serviette est trop grande. Il s’habille pour l’école et retourne prestement s’allonger lire sa BD préférée ; il est trop tôt.

L’heure de passer à table, il descend de bon gré, tartine maladroitement d’énormes tranches de pain. Il ne peut pas prendre son temps, on est pressé. Les minutes défilent à toute allure, il n’a pas le temps de terminer. Pas grave maman, je débarrasse. Il court se brosser les dents, inquiet.

– Je ne veux pas y aller. J’ai peur de me faire gronder.

– Tu vas t’habituer…

Il est l’heure, il faut y aller. Descendez vous habiller.

Son cœur s’emballe, l’enfant dévale les escaliers, il a trop peur d’être en retard. Il panique, les mots s’emmêlent, les pieds aussi. C’est la chute.

Pas le temps de pleurer. C’est le courage.

C’est aussi l’enfant qui apprend à se retenir, à se contenir : à souffrir sans mot dire. C’est « grandir »?

Tout à l’heure à la grille, la maîtresse ne verra rien, ne saura rien de ce qui se noue dans son estomac quand il passe devant elle, calme, impassible. Elle ne saura pas, si elle ne demande pas : comment te sens-tu ?

Au lieu de cela, on lui demandera : – As-tu fait tes devoirs ? – Oui maîtresse.

Sortez vos cahiers, on va travailler.

11 réflexions au sujet de « Travailler à l’école n’est pas apprendre »

  1. C’est ce qui me rend triste aussi.
    C’est aussi mon ressenti après une semaine d’école. Je me sens presque démunie dans ce monde, inadaptée à ce qu’on nous demande d’être, de faire, à ce qu’on demande à nos enfants.
    Merci pour ce texte et amicales pensées

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    1. Merci de m’avoir lue. Je crois qu’on se trompe, quand on veut « former » et « préparer » nos enfants à l’avenir. Préparer la primaire dès la maternelle, le collège dès la primaire, le lycée dès le collège… et arrivés dans le monde adulte, on n’est pas plus « prêts » que ceux qui ont été formés sans devoirs, sans notes, sans pression. Il ne s’agit pas de soustraire nos enfants à la réalité, il s’agit de les rendre forts pour améliorer cette réalité. Je suis prof moi-même, voyageuse et curieuse de ce qui se fait ailleurs. Vraiment, on peut faire mieux.

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      1. Je suis tout à fait d’accord. Mais l’école d’aujourd’hui (et d’hier aussi) surfe sur ce courant.
        On est dans un système de notes et de compétition qui ne convient pas à tous…
        On tire en effet toujours du positif d’une ouverture sur le monde et d’autres modes de fonctionnement.

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  2. Comme d’habitude tu trouves les mots justes et la façon délicate de faire passer un message simplement vital !
    Il faut donner l’envie d’apprendre…
    J’aime croire que c’est aussi une question de personne, d’enseignant.
    Certaines sont plus attentives, donnent envie aux enfants d’apprendre, d’être curieux, montrent toutes les possibilités… Je crois en avoir croisé certaines de cette trempe, le sourire des enfants et leur entrain pour aller à l’école me dit que je ne me suis sans doute pas trompée…
    Pour ce qui est du matin, du réveil, de la course… vu celle que je viens de vivre ce matin – le mien n’est pas du tout résigné à se plier à ces contraintes horaires… ! -, je ne peux que déplorer le manque de souplesse. Mais la vie en société est ainsi faite, à moins de se mettre en retrait complet, que peut-on y faire ? (c’est une vraie question car certains matins sont de vrais calvaires ici !)

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    1. Merci de tes compliments. J’ai un enfant qui supporte très mal les horaires, la contrainte, il vit l’organisation scolaire (du petit déjeuner minuté à l’horaire de coucher) vraiment mal, et si je comprends que la vie en société est ainsi faite, que le bien être à l’école dépend beaucoup de la personne qui accueille dès le matin -mais cette réflexion à ma connaissance n’est pas un sujet pour l’instant en éducation – je crois aussi qu’il est possible de soulager l’enfant (qui n’a pas besoin de vivre le stress enfant pour le supporter mieux adulte) en ajoutant de la souplesse au système (ou alors faisons le pointer directement!). Et puis je m’insurgerai toujours contre cette croyance (reac!!!) qu un enfant apprend mieux assis six heures par jour, sans contact avec la nature de la journée, sans sas pour se détendre comme nous, adultes, qui prenons notre pause café quand le besoin de se le lever, de marcher quelques pas et de discuter cinq minutes se fait sentir. Les enfants français font partie des plus stressés au monde (en Europe je crois qu’on tient la palme): et ça, c’est bien de la faute des adultes.

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      1. Je suis tout à fait d’accord avec toi, même si pour moi, la contrainte sous toute ses formes fait partie de la vie. Les horaires, ça ne me choque pas – et pourtant j’ai à priori le même modèle à la maison 😉 – Tous les adultes ne travaillent pas en entreprise avec la souplesse des pauses café etc. je pense même que ça reste une minorité de cadres et professions supérieures qui bénéficient de cette souplesse. Mais évidemment cela ne justifie pas qu’on tire vers le bas le reste de la population et surtout pas les enfants.
        Mon fils a la chance d’avoir une maitresse qui doit penser à peu près la même chose que toi et qui adapte au mieux de ses possibilités la journées des enfants – Je me doute qu’elle est sans doute exceptionnelle et que l’EN est un monstre qui décourage même les enseignants les plus motivés 😦 J’ai parfois la sensation que la société a de plus en plus conscience des imperfections et absurdités du modèle mais que paradoxalement les choses vont en s’empirant 😦

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      2. Je ne sais pas si elles s’empirent, et même aujourd’hui il fait beau, je suis contente… je dirais même qu’elles s’arrangent, mais trop doucement, car d’une part les bonnes initiatives ne sont pas suffisamment partagées (et ce pour pleiiiin de raisons), et d’autres part nombreuses personnes résistent au changement, parce que changer, même pour le mieux… ça fait peur. En revanche je suis d’accord, la souplesse n’est pas la même dans tous les corps de métier. Mais l’école n’est pas un métier…

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