Article initialement publié ici : https://www.expatsparents.fr/blog/192/ce-que-rentrer-veut-dire
On vous pose la question, curieux et pas toujours bien intentionné : « aloooors, ça fait quoi d’être rentré ? » Je suis rentrée il y a six mois … Voici ma copie.
Tout d’abord, on ne rentre pas. On part. Les gens voient l’arrivée, quand nous vivons un départ. Nous, on voit les adieux, la rupture, la fin avant de voir le renouveau. On ne rentre pas, on quitte un lieu qui nous a accueilli, qui nous a vu changer, grandir. On met fin à un voyage physique et métaphysique, à une expérience qui nous a bouleversé. On renonce à des routines qu’on avait instaurées, à de nouvelles habitudes qui nous avaient réconfortés. On laisse derrière soi des gens qu’on aime et qui nous ont aimés, des amis, des collègues, des voisins, des maîtresses : toutes ces personnes qui nous ont fait une place. Et on laisse un vide qu’on emporte dans notre cœur au moment de « rentrer ».
Leur vie va continuer, sans nous. Nos souvenirs sont avec eux, et on sait qu’on ne les revivra jamais. Partir et quitter un nouveau chez-nous bouleverse au moins autant que le premier départ : c’est toujours des adieux. On aimerait laisser une part de nous un peu partout et ne renoncer à rien, ni à l’ailleurs, ni à chez soi.
Et puis, on ne rentre pas. Pas vraiment. A chaque départ on laisse une part de nous, comme une peau, et on se retrouve à nu, et on s’aperçoit qu’ailleurs, on s’est révélé. On est devenu un peu plus soi, débarrassé des étiquettes, de notre histoire. On est un peu nouveau, « Je est un autre » : il n’y a pas de « retour » mais une nouvelle arrivée.
D’ailleurs, on ne rentre pas. Les lieux ont changé aussi. Il s’est passé des choses quand on n’était pas là. Au fil des conversations on s’aperçoit qu’on a manqué des événements, des lois, des chanteurs, et tout un tas de petits détails qui font dire à l’autre : « ah oui, c’est vrai, tu ne sais pas ».
Car on ne rentre pas. On débarque. On n’est pas attendu, et notre nouveau point de vue pas toujours bienvenu. On dérange un peu aussi car on traîne avec nous le mirage de l’expat doré, et un miroir pour celui qui nous voit et se dit qu’il serait bien parti, lui aussi…
Ce que les gens ne savent pas, c’est qu’on vivait dans une bulle qu’on s’était créée, un monde rien qu’à nous : on avait resserré les liens, on flottait dans des émotions communes et qui nous décontenançaient autant qu’elles nous rapprochaient.
Ce que les gens ne savent pas, c’est qu’on n’est pas « rentrés » : on a fait exploser la bulle dans laquelle on était, et si les autres sont heureux de nous voir de plus près, pour nous, l’explosion a fait un bruit assourdissant et on s’est senti dégringoler, et tous les membres de la famille ne tombent pas forcément au même endroit. Il faut à chacun son temps pour se remettre de ses émotions, de ces départs, ces arrivées, de ce voyage longue durée. Comme des marins au long cours, on a parfois le mal de terre.
Non, on ne rentre jamais, on repart toujours. Mais cette fois-ci, en terrain connu.
Wahou, c’est tellement juste… J’ai vécu en Angleterre et aux Etats-unis, et je ne compte plus les villes de France que j’ai habitées : 19 déménagements à mon actif… dont 17 avant de fonder une famille ;-). Mais cela ne change rien au ressenti, et 15 ans après, tu mets les mots exacts sur ces sentiments confus qui ont été les miens à chaque « migration ».
L’âge aidant, le célibat aussi ; il m’a été assez facile de me « ré-adapter » à chaque fois. J’ai toujours eu l’impression de revenir plus riche plus complète. La difficulté c’est de partager ça avec ceux qui n’ont pas bougé… mais pour rien au monde je ne reviendrais sur ces expériences. D’ailleurs, je partage ma vie avec quelqu’un qui n’a jamais vécu ailleurs qu’ici et je dois reconnaitre que c’est parfois un sujet polémique entre nous… de temps en temps, l’envie de repartir de démange sérieusement, et il a du mal à comprendre ça…
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L’expatriation est un virus dit-on. Je suis binationale, et l’expatriation nous a rapprochés avec mon mari qui n’avait jamais connu que la France. C’est une expérience tellement belle…
pas mal ton score de déménagements ! On va fêter nos dix ans de mariage, dix-sept ans de vie commune, et on n’en est « que » à six déménagements… pour 7 villes.
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(Je viens de passer 10 minutes à me demander « 6 déménagements et 7 villes ?! » – je suis fatiguée 😂) j’ai pas autant de villes que de déménagements « seulement » 8… et réellement 7 dont je me souviens. Ça a du bon de se poser aussi, je commence seulement à avoir un vrai « réseau » ici. Mais voir autre chose, c’est pas mal non plus 😉
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Au fait tant que je te tiens, j’ai hâte de lire ton roman !!!!
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Tu as tellement bien écrit ce « retour ».
Le pays, le lieu qu’on quitte, celui qu’on retrouve, celui entre les deux, tout est différent.
Chaque expérience m’a fait grandir mais oui il y a eu un contre-coup. Il a fallut du temps pour prendre de nouvelles marques, se retrouver.
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Merci, je suis d’accord, il y a un contre-coup. Et j’aime le mot « coup » que tu utilises parce que c’est assez dur …mais ça remet mes idées en place ! (Sans parler du coût..😆 )
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Ce texte est magnifique. Je n’ai jamais vécu l’expatriation mais tu as décrit le retour avec beaucoup de force et de justesse.
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Merci beaucoup 😊 c’est un peu écrit avec les tripes j’avoue !
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Ca se sent! 🙂
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Bon je me répète mais quelle poésie dans ces mots ! J’adore !
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Hehe merci, je t’avais reconnue sur la page FB! Le voyage rend poète je crois !
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Bonjour,
Je viens de découvrir votre texte puis votre blog, quel plaisir !
Votre témoignage m’a beaucoup touché, car nous avons vécu en Angleterre il y a quelques années et je me suis vraiment retrouvé dans vos mots, dans ce retour en terre connue !
Nous sommes sur le point de repartir au Canada, bientôt je l’espère. Je sais que quand on prépare une expatriation, il faut penser aussi au retour ! Nous savons déjà ce que nous ne voulons pas !
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Pardon pour cette réponse tardive. Je vous souhaite de pouvoir réaliser ce nouveau projet. De notre côté nous n’osons plus rêver d’une nouvelle expatriation, trop concentrés à reconstruire une nouvelle vie. Après un an les choses enfin sont calmes, et même si la nostalgie est toujours forte, petit à petit, on fait notre nid. Bon courage pour les temps à venir. Et merci de votre commentaire !
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