Nos masques sont nos tubas. Dans l’eau il fait nuit. La nuit n’en finit pas. On reste seul, il faut tenir, parmi les ombres qui se déplacent auxquelles on ne peut pas parler. On communique ailleurs, dans la toile de nos désirs de liberté.

Le monde est en apnée, certains suffoquent, d’autres soufflent et s’essoufflent dans un bouche à bouche de survie. Il faut tenir, les retenir, ces corps qui souffrent et qui crachent leur existence. Ils sont les lions de La Fontaine, martyrisés par un moustique. Ils sont l’homme que nous sommes, con-vaincu par sa puissance. Nous ne sommes rien que des virus qu’un virus fait succomber.

Le monde est en apnée, pourtant moi je respire. Parce que je suis vivante, parce que j’en suis consciente et que j’en suis reconnaissante. Je ne me plaindrai pas. J’inspire et j’expire ma chance.

J’aimerais que de cette nuit profonde nous sortions tous plus éclairés. Que la lumière au-dessus de la fosse soit la nôtre : j’aimerais que l’on soit plus sage. Que les hypersensibles ne soient plus les illuminés de cette société mais des personnes qu’on écoutera : l’essentiel nous manque, du superflu nous en avons trop. Trop de contraintes, pas assez de bienveillance. Un virus et nous voilà redevenus humains.

Si le temps était de l’argent… aujourd’hui il est la vie. La nature nous ramène au rythme lent des corps. Le confinement ne dure pas : c’est la guérison qui est lente. Les malades le savaient déjà. Nous avons tellement l’habitude que tout aille vite, que nous en avions oublié notre naturelle condition.

Le monde est en apnée. Pourvu qu’il apprenne à mieux respirer. Il serait si dommage de replonger dans cette course étouffante qui nous a finalement perdus. Si l’on veut gagner, acceptons notre faiblesse.