Le premier thème du rendez-vous du 10 du mois proposé par Egalimere me sort de ma zone de confort et me ramène plusieurs années en arrière, au collège, en salle de perm , au fond de la salle bien sûr.
Gino, Martin et Benoît se marrent. Milena est là aussi, à côté, cette grande qui a reboublé sa cinquième, savante et supérieure. Elle sait, c’est évident. Elle a un an de plus, presque 14 ans, c’est énorme. Moi je suis de fin d’année, j’en ai à peine douze, et je suis petite. Je grandirai plus tard j’espère, en attendant j’assume autant que je peux mes seins plats et mes centimètres manquants. Les copains, je les connais presque tous depuis l’enfance. On était dans la même classe en primaire, c’est dire si on a appris à se connaître. Enfin, visiblement, pas tant que ça. Ou alors j’ai dû rater un épisode, dormi toute une année.
Ils sont derrière moi, à pouffer comme des idiots, pendant que je termine une rédaction sur le Moyen âge. Ils me dérangent. Je suis sûre que la pionne qui bouquine sur son estrade fait semblant de ne rien entendre. Parce que franchement, ils sont à quatre autour d’un magazine, et ils ont beau avoir encore leurs têtes de bébés, les quelques boutons qui poussent et l’attitude bêta du pré ado disent bien qu’ils sont de ceux qui voudraient grandir plus vite, et qui aimeraient bien braver un peu l’autorité . Mais elle ne dit rien, les yeux dans le vague, trop occupée à espérer être ailleurs que dans cette salle de perm, un vendredi après-midi, où la chaleur moite laisse une odeur d’hormones en ébullition.
Je me retourne. Qu’est-ce que vous faites, vous voyez pas que vous faites du bruit ? C’est Gino, il a apporté un magazine porno ! Tu veux voir ?
Je n’ai pas le temps d’y réfléchir que je découvre médusée des corps de femmes lubriques et des photos de pénis en rut, et Thibault commente avec des mots que j’ai oubliés ces chefs-d’œuvre de génitalité. Je me souviens de femmes aux seins lourds montant à cru des chevaux, des vagins en gros plans et des sexes aussi nombreux sur les pages que des boutons d’acné sur le nez d’un ado.
Je rougis sans doute, et ajoute mes commentaires d’enfant sur ces scènes qui seront les toutes premières de mon expérience sexuelle.
Le sexe en photo m’a extirpée de mon enfance, au fond de la salle de perm, à douze ans.
Les garçons de mon époque grandissaient plus vite que les filles, je crois. Les petits chérubins de maîtresse V. sont rapidement devenus, dès la sixième, des consommateurs de boules puantes, de poils à gratter, et de magazines qu’ils se sont procurés d’une manière qui m’est restée inconnue.
Les opposés s’attirent mais effraient. Et ce qui effraie fascine. Pas un de ces grands gaillards de 1m50 n’avait sans doute vu un vrai sein de toute leur vie, à part celui de leur mère ou de leur grande sœur peut-être. Mais les trois pré-pubères jouaient aux grands, fascinés par ce nouveau mot, SEXE, et tâchant d’impressionner la femme qu’était sans doute à leur yeux la belle Milena (c’est ce que j’ai mis bien des années à comprendre) en jouant les Dom Juan.
Je me souviens encore de Gino qui se masturbait en cours de SVT et caressait de ses miasmes les cheveux de la pauvre Cécile placée devant. Je me souviens des insinuations auxquelles il fallait rire pour ne pas être moquée, martyrisée. Je me souviens n’avoir jamais osé en parler à mes parents (d’ailleurs ma mère connaissait bien la mère de Gino… je tenais à ma peau !)
Devenue adulte, et devenue mère, je me demande : comment faut-il faire pour que nos enfants osent nous parler de sexe, et que leur sexualité ne commence pas par des ouvrages, des images, où le corps de la femme n’est pas respecté, où l’homme est le plus fort, où le sexe est violent ? Faut-il dire que le Père Noël existe ou faut-il laisser l’enfant comprendre par lui-même me semble une question bien trop facile quand je vois mon fils grandir et se rapprocher inéluctablement de l’âge des magazines porno téléchargés sur le portable de celui qui sera son Gino.
Alors, let’s talk about sex, oui, mais comment ?
Il n’y a malheureusement pas encore de réponse à ta question. Peut-être dans 50 ans, voire largement plus… En outre, tu as un fils. Donc, un peu délicat de parler de sexe avec lui, étant donné que tu es une fille, et sa mère… Je pense que tu vois où je veux en venir… L’image de la « mère » à ‘l’ancienne », malgré l’évolution certaine de la femme n’en reste pas moins ancrée dans l’esprit masculin. Et la différence concrète entre l’homme et la femme vis-à-vis du sexe est flagrante. On ne fonctionne pas pareil. Bon, je sais, mon commentaire ne t’aide pas vraiment, j’en ai conscience. Mais j’ai apprécié ton article et voulais y réagir..
Peut-être que l’éducation peut être la réponse. Changer le mode d’éducation traditionnel. Apprendre au jeune garçon dès son plus jeune âge des trucs de fille et vice versa…
En tout cas, ton article est très intéressant. Merci alors pour ce partage.
Ceci dit, mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année, surtout une bonne santé en cette période compliquée.
Bisous
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Merci beaucoup Christine pour ton commentaire et belle année à toi aussi! J’ai acheté un Hors série de Okapi sur les filles, adressé aux filles, et mon fils l’a lu avec intérêt ! Il m’a parlé ensuite du fait qu’on ne fait pas confiance aux filles. Je me dis que pour la sexualité je pourrai aussi laisser traîner dans le salon un documentaire bien choisi 🙂.
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J’ai découvert le sexe plus ou moins de la même manière que toi, en salle de perm, alors que je n’étais pas prêt … Je n’ai pas de réponse à ta question mais je pense que pour un garçon ce n’est pas traumatisant, il verra des vidéos pornos sur son portable ou celui de son Gino et comprendra
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Merci pour cette participation et ce récit qui va rappeler à bon nombre d’entre nous la manière dont les images pornos se sont imposées à nous.
J’ai 2 garçons et la question de la sexualité à été abordée très rapidement, dès la primaire quand les copains et les copines ont commencé à être des amoureux et se faire des bisous sur la bouche. En 6ème, mon fils aîné à vu des images pornographiques sur le portable d’un copain. Comme pour tes copains de l’époque, mélange de dégoût et de curiosité. Lorsqu’il nous en a parlé, nous lui avons expliqué que ces images n’étaient pas de son âge mais qu’on comprenait bien qu’il soit curieux. Nous nous sommes aussi attaché.e.s à bien lui faire comprendre que ces images ne reflètent pas la réalité, qu’un couple qui fait l’amour est davantage dans le partage et surtout, en profiter pour parler du consentement et de l’image de la femme dans ces films.
Il existe quelques ressources pour aborder la sexualité avec les enfants. Hélas c’est parfois trop tard quand on souhaite le faire et qu’ils ont déjà vu ces images.
Nous avons vu un reportage il y a peu « la pornographie un jeu d’enfants » qui est assez édifiant d’ailleurs. Il montre bien à quel point les images pornos sont accessibles et qu’elles conséquences cela peut avoir sur les jeunes. D’où l’importance de les sensibiliser très rapidement à ces questions, ce qui pourrait être fait par des associations en milieu scolaire.
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Merci pour cette réponse ! 😊 ce qui est difficile surtout je trouve, c’est de trouver le bon moment : quand il entrouvre la porte, et avant que les copains ne se chargent de son « éducation » (Hum… Hum…). Nous parlons d’amour, nous lui avons acheté le guide du zizi sexuel… J’espère qu’il osera nous poser des questions avant d’aller chercher des réponses là où elles ne sont pas forcément adaptées… 😕
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😉j’espère bien ! Merci pour ton commentaire précieux !
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avec plaisir si j’ose dire 🙂
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J’ai acheté à ma fille un bouquin super, de Margot et Isabelle Filliozat (la fille et la mère). Margot Fried-Filliozat est intervenante en éduction sexuelle. Elle a écrit Sexpérience, un guide illustré assez cash (mais les ados sont cash de nos jours) et très bien fait, qui aborde la notion de regard sur son corps, consentement, représentations induites par la pornographie, etc. Une bonne lecture pour des enfants d’au moins 14 ans je pense. En tant que parent, cela donne des pistes de discussion.
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Oh merci pour la référence Marie ! Mon fils est trop jeune mais je vais quand même y jeter un coup d’œil …et regarder ce que fais la fille du coup!
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Je découvre ton blog avec ce billet et j’ai très envie de découvrir d’autres billets : j’aime beaucoup ta façon d’aborder ce sujet compliqué, l’éducation sexuelle de nos enfants ! Je suis très maladroite avec ça et j’essaie de commencer à leur en parler par petites touches mais comme toi, je peine à trouver le bon moment. Et puis, je ne sais pas trop où mettre le curseur : que savent-ils déjà ? que puis-je dire sans les heurter mais en leur donnant suffisamment de clefs ? et ça ne fait que commencer…
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Merci beaucoup pour ton commentaire ! C’est un sujet tellement compliqué, on a l’impression de marcher sur des œufs… on a peur de trop en dire, pas assez, pas avec les bons mots… trop tôt, trop tard…
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